Dans les coulisses du programme : rencontre avec les coachs EIG

2 septembre 2022 par Coraline Gillard

Frédérique Doman et Thomas Parisot sont coachs pour le programme Entrepreneur(e)s d’intérêt général d’Etalab depuis l’été 2021. Respectivement designer et Product Manager, iels nous partage leur expérience au sein d’Etalab et de la Direction Interministérielle du Numérique. De l’accompagnement de la promotion 5 des EIG à l’ingénierie du programme, retour sur douze mois au service de l’innovation publique.

Vous avez rejoint l’équipe du programme EIG l’an dernier en tant que coachs. Qu’est-ce qui vous avait motivé(e)s à postuler ?

Frédérique - Plusieurs dimensions m’ont intéressée dans le programme EIG, dont j’avais déjà entendu parler il y a quelques années. Être coach EIG, c’est rejoindre une direction interministérielle au sein d’un programme prestigieux, donc être au cœur de problématiques très diverses dans les administrations. Les défis d’intérêt général touchent aux politiques publiques et présentent des enjeux en termes de design de service. Le programme a une dimension à la fois de facilitation de l’innovation et de transformation de la fonction publique.

Mais ce qui m’a intéressée plus particulièrement dans le poste de coach, c’était la polyvalence, en cohérence avec mon parcours, ma personnalité et mes aspirations. Avant EIG, j’ai fait notamment du design de service en cabinet de conseil, sur des projets très divers, parfois complexes. Je me suis donc sentie assez équipée pour endosser ce rôle de coach en design et accompagner les défis de la promotion 5. C’est un poste qui requiert des qualités humaines fortes, pour soutenir les équipes en immersion dans des cultures différentes.

Thomas - Je connaissais moi aussi déjà le programme, qui jouit d’une belle notoriété. Aussi, lorsque j’ai découvert que la direction du programme cherchait pour la première fois un(e) coach produit pour faciliter la relève des défis d’intérêt général, j’ai saisi l’opportunité. J’avais travaillé en startup agréée ESUS et en entreprise à mission, j’avais accompagné des entrepreneurs et entrepreneuses engagé(e)s dans la responsabilité environnementale, je m’étais intéressé aux questions d’éthique du numérique : j’ai donc été naturellement intéressé par le rôle de facilitation au sein d’un programme d’innovation à l’intersection de l’entrepreneuriat et de l’intérêt général.

J’avais aussi envie de sortir un peu de ma zone de confort. Les Product Managers sont habitué(e)s à intervenir dans un cadre assez bien circonscrit, en s’appuyant sur des méthodologies éprouvées de stratégie produit et de mesure d’impact. Mais la démarche entrepreneuriale est plus incertaine. Elle nécessite de s’adapter à des contextes singulièrement différents, avec des moyens et des cultures hétérogènes - et surtout en s’attachant à l’essentiel de la création de valeur. Or le programme EIG présente cette diversité de projets et d’enjeux, de l’innovation d’usage (ePSHAD) et la digitalisation de parcours (Décos) à la science de la donnée (SMASH) et la reconnaissance d’images (Basegun), en passant par des projets impliquant un écosystème large sur des thématiques d’éducation (DaSES) ou d’environnement (BatID).

En quoi consiste le rôle de coach ? Quelles sont vos principales activités ? Quelles compétences avez-vous développées ?

Frédérique - Le programme EIG est une petite équipe dans un écosystème très large. Les coachs interviennent donc sur des domaines très variés, ce qui implique un dépassement de fonction.

Notre cœur de métier, c’est d’abord l’ingénierie du programme et l’accompagnement de la promotion en cours. Concrètement, cela consiste par exemple à organiser des ateliers-conférences, pour sensibiliser les EIG à des sujets du numérique public, comme le système de design de l’État, l’explicabilité des algorithmes ou plus largement le cadre juridique de la fonction publique. Nous animons aussi des groupes de partage entre pairs, pour créer une dynamique collective et encourager l’émulation au sein de la promotion. Nous avons mis en place un mentorat individuel ou collectif sur des sujets plus spécifiques mais nécessaires à la relève des défis, comme la recherche utilisateur à destination d’ingénieur(e)s des sciences de la donnée ou le soutien technique à des profils atypiques en reconversion dans des carrières de développeur ou développeuse. Nous organisons enfin plusieurs séminaires, qui font partie des temps forts du programme.

Le métier de coach comprend également un volet d’animation de la communauté EIG, qui compte aujourd’hui près de 200 alumni. Nous contribuons à développer un écosystème ouvert, avec des associations comme Data for Good ou Electronic Tales, des écoles comme Ada Tech School ou Simplon.co, des agences comme Frog Design, avec bien évidemment le concours des équipes de la DITP et de la DINUM, en particulier Etalab, Design.gouv et Beta.gouv. Nous avons à cœur d’ouvrir davantage le programme à tout cet écosystème d’innovation.

Enfin, le rôle de coach nécessite d’anticiper. Cela implique de contribuer à construire l’avenir du programme. Nous participons par exemple aux appels à projet et à candidature de la promotion suivante. Nous organisons le cadre d’évaluation des dossiers. Nous présidons les jurys de soutenance des projets et conduisons les entretiens avec les candidat(e)s. Anticiper, c’est se réinventer. Nous menons donc des réflexions plus larges sur le positionnement, la stratégie et l’ingénierie, pour l’amélioration continue du programme EIG.

Qu’est-ce que l’entrepreneuriat d’intérêt général ? Qu’est-ce qu’un défi relevé ?

Thomas - Les défis EIG consistent à concevoir et expérimenter une proposition de valeur concrète et extrapolable, afin de répondre une problématique d’intérêt général en soutien à une politique publique, en s’appuyant sur le numérique.

Développer un service numérique au sein de l’administration implique de faire siennes les valeurs cardinales du numérique public. Pour ce faire, le programme EIG accompagne les équipes en tissant des liens avec les experts et expertes de la Dinum et en particulier d’Etalab. Nous sensibilisons et accompagnons les EIG. Nous veillons à ce que les équipes s’approprient le cadre éthique et juridique de la création de valeur au service de l’intérêt général : l’accessibilité (avec Design.gouv), l’écoconception (avec la mission Greentech), l’ouverture des données (avec Data.gouv), l’ouverture des codes-sources (avec le pôle Logiciels libres), l’explicabilité des algorithmes (avec le Lab IA). Nous voulons ainsi contribuer à un service public accessible, ouvert et intelligible.

Au-delà de la relève de leur défi spécifique, les équipes d’EIG ont vocation à insuffler une dynamique au sein de leur administration d’accueil. Un(e) EIG est un vecteur d’innovation, technologique ou d’usage, mais aussi de modernisation du service public. Et cette dynamique s’opère de l’intérieur : les EIG sont pleinement intégré(e)s à l’administration. En expérimentant de nouveaux possibles aux côtés des EIG, les administrations développent incidemment une culture plus entrepreneuriale, aussi bien dans les méthodes de création de valeur que dans les pratiques de collaboration.

En définitive, EIG est un programme à la fois d’émergence, d’incubation et de transformation. Un défi EIG relevé, c’est un projet qui apporte la preuve du concept et démontre sa valeur pendant les 10 mois du programme, mais qui prend encore plus d’ampleur au-delà, avec des enjeux de pérennisation à la fois du service, de la culture et des équipes. Ainsi, le défi Lab Santé (promotion 2), au ministère des Solidarités et de la Santé, a participé à l’émergence d’un groupement d’intérêt public : la Plateforme des données de santé.

Quelles évolutions avez-vous apportées pendant la promotion 5 ? Quelles améliorations envisagez-vous pour la promotion 6 ?

Frédérique - Nous nous attachons à faire vivre le programme, le faire évoluer avec le temps, se renouveler. Au lancement de la promotion 5, notre objectif était l’industrialisation qualitative de l’accompagnement, pour faciliter le passage à l’échelle du programme EIG. C’est une recommandation du rapport Bothorel. Pour ce faire, nous avons bien évidemment capitalisé sur l’existant, mais nous avons aussi expérimenté des dispositifs complémentaires. Je retiens au moins trois éléments saillants.

Pour recruter les talents de la promotion 6, nous avons décidé de repenser les critères d’évaluation des candidatures et d’améliorer le processus, avec une attention particulière à l’égalité et la diversité. Ce sont des sujets complexes, mais essentiels. Les Services de la Première ministre sont en effet engagés dans la lutte contre les discriminations et des actions en faveur de l’égalité professionnelle.

Pour sélectionner les projets de la promotion 6, nous avions à cœur de nous placer davantage dans une démarche de co-construction avec les futur(e)s porteurs et porteuses de projet. Nous avons donc proposé et expérimenté un dispositif de pré-incubation, en amont de l’appel à projets, pour aider à cadrer et maturer les projets pressentis dans différentes administrations. La première édition de ce dispositif est prometteuse. Nous allons poursuivre en ce sens.

Enfin, une dernière nouveauté : nous avons organisé le 30 juin dernier un événement de clôture de la promotion à l’auditorium de Ségur. Intitulé “Regard(s) sur l’innovation publique”, cet événement était ouvert à tout l’écosystème. Nous avons eu l’honneur d’accueillir Stanislas Guérini, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Il s’agissait de donner la parole aux EIG, au travers du pitch des défis relevés par la promotion 5 et de tables-rondes sur des sujets transverses comme l’apport des juristes à l’innovation. Les échanges se sont poursuivis avec les équipes autour de démonstrations interactives des services numériques conçus et développés par les EIG.

Thomas - Dans la continuité des évolutions apportées au programme, il nous est apparu opportun de renforcer l’accompagnement des porteurs et porteuses des défis de la promotion 6. Nous avons expérimenté en mai dernier un séminaire avec les responsables des défis EIG 5 et 6 sur les thématiques de l’innovation, de la transformation, du financement et du recrutement. La qualité des échanges et la dynamique collective sont prometteuses. Aussi, nous allons renouveler ces rendez-vous d’émulation interministérielle, autour de problématiques communes de management de l’innovation et de transformation numérique.

Nous voulons aussi aller plus loin dans la co-construction et l’innovation ouverte. Outre la pré-incubation des projets EIG, nous réfléchissons à de nouveaux dispositifs au service des administrations candidates. Pourquoi pas un hackathon avec les EIG et les alumni, pour déceler les opportunités d’innovation dans l’administration, sur des thématiques prioritaires de politique publique, voire dans les territoires ?

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