Mobiliser des compétences numériques dans l'administration : quelles initiatives à l'étranger ?

10 juillet 2019 par Guénolé Carré, équipe EIG

Tour d’horizon international d’initiatives similaires au programme Entrepreneur(e)s d’Intérêt Général

Qu’est-ce que le programme Entrepreneur(e)s d’Intérêt Général ?

Le programme Entrepreneur(e)s d’Intérêt Général permet d’intégrer pour 10 mois des profils numériques d’exception dans les administrations pour relever des défis d’amélioration du service public à l’aide du numérique et des données. Ces entrepreneur(e)s sont épaulés par des mentors qui participent à leur bonne intégration au sein des administrations, et forment une promotion accompagnée toute l’année par une équipe d'Etalab, au sein de la direction interministérielle du numérique.

Quels sont les objectifs de cette démarche ?

Afin de poursuivre la démarche d’évaluation du programme, nous nous sommes intéressés à des initiatives similaires mises en place par des administrations dans d’autres pays. Notre objectif était de mieux comprendre leur fonctionnement, leur source de financement, leur rapport aux administrations de leur pays, ainsi que les types de projets menés et les profils recrutés.

Nous nous sommes intéressés aux initiatives suivantes :

La liste de ces initiatives n’est pas exhaustive, mais elle permet de déceler certaines tendances de fond qui nous paraissent utiles pour mieux comprendre notre environnement et pour constater nos points de convergence.

Voir le tour d’horizon complet au format PDF

Icônes des différentes initiatives évoquées dans l’articlesLogos des différentes initiatives évoquées dans cette étude

Quels enseignements retirons-nous de cette analyse ?

Plusieurs réponses pour une même problématique : la recherche de compétences spécifiques au numérique

Pour améliorer leur action dans le domaine du numérique, de nombreuses administrations cherchent à mobiliser des compétences techniques.

Pour y répondre, différents formats innovants sont testés : la création et l’animation de communautés qui développent des outils (Team Digitale Italy), le financement de projets open source par les pouvoirs publics (Prototype Fund), ainsi que le recrutement de profils aux compétences numériques dans l’administration.

Ces recrutements prennent différentes formes : au sein du réseau international Code For, des fellows, ou recrues, sont employés par des associations et placés dans des administrations. A l’inverse, certaines administrations recrutent elles-mêmes, comme c’est le cas pour le programme américain « Presidential Innovation Fellows » (PIF) ou le programme Entrepreneur(e)s d’Intérêt Général. Les financements peuvent provenir de fonds publics mais aussi de fonds privés qui soutiennent ces initiatives via des partenariats, comme pour c’est le cas pour Code For America.

Ces programmes font face à des problématiques communes, comme l’attractivité et la capacité à mesurer leurs résultats

Une attention particulière est portée par ces initiatives sur les conditions de travail, la rémunération et la capacité d’action importante offertes aux personnes recrutées. Cela entre dans une réflexion plus large sur l’attractivité de ces programmes, qui sont en concurrence avec des acteurs privés du numérique qui recherchent également ces compétences très prisées. Cette concurrence est d’autant plus importante que des prérequis en terme de diplôme, d’expérience dans différents domaines ou de capacité au travail en équipe sont souvent demandés, afin que les participants soient capable de manœuvrer avec succès dans des structures administratives complexes.

L’attractivité de ces initiatives passe aussi par une mise en avant des recrues qui ont la possibilité de s’exprimer dans des articles de blog (comme le PIF avec les contributions des fellows sur le blog digital.gov), de participer à des conférences et de jouer le rôle d’ambassadeur des programmes.

Capture d’écran du blog digital.govCapture d’écran d’un article de blog issu de digital.gov

La production de livrables et la « mesurabilité » des résultats des travaux entrepris par ces recrues est une problématique commune. Ces initiatives mobilisent des budgets conséquents, d’où l’importance de prouver – notamment via des données ou des indicateurs chiffrés (comme le font notamment les projets de Code For America, par exemple l’initiative GetCalFresh) – la capacité des programmes à avoir un impact.

Ces programmes participent à la transformation numérique de leurs administrations

De nombreux programmes mettent l’accent sur la complémentarité de leurs initiatives de recrutements avec d’autres dispositifs pour rendre la transformation numérique durable. Ces organisations recrutent, mais proposent aussi des formations qui permettent de faire monter en compétences les agents, notamment ceux qui seront amenés à gérer des projets innovants. Cette logique se retrouve dans les formations mises en place par Code For Canada, le Tech for non Tech de Code For Australia, ou encore par la complémentarité entre le PIF et 18F aux États-Unis. Les PIF permettent une première exploration stratégique des thématiques numériques dans les administrations, afin d’instaurer un premier changement culturel. Les services peuvent par la suite faire appel à 18F pour lancer des projets de plus grande ampleur.

D’autres enjeux sont au cœur du développement de ces initiatives : la pérennisation des outils produits ou encore le maintien des nouvelles méthodes de travail apportées par ces recrues dans l’administration. Ce n’est que comme ça qu’il est possible de mettre en place une véritable transformation numérique. Le portage politique est également un facteur de succès de ce genre d’initiatives, comme le démontre le portage présidentiel du PIF. Par ailleurs, les bénéfices apportés par les fellowships au sein des différents Code For sont mis en avant pour démontrer l’impact sur la transformation numérique des administrations.

En quoi le programme EIG se démarque-t-il ?

En comparaison avec les programmes analysés, le programme EIG se démarque par un nombre relativement plus important de recrues par promotions, mais aussi par un recrutement de professionnels avec des profils moins seniors que ne peut le faire Code for Canada par exemple.

Le programme EIG se concentre sur 3 compétences spécifiques : data science, développement et design. Le rôle de product owner est pris en charge par le mentor du défi. Cette organisation diffère dans d’autres initiatives, comme le Presidential Innovation Fellows, qui recrute de plus en plus de profils davantage stratégiques et de gestion de projets.

Par ailleurs, le programme EIG travaille quasiment en exclusivité avec des administrations centrales ou ayant un rayonnement national. Cela n’est pas le cas de certains Code For, comme Code for Australia qui travaillait à l’origine principalement dans l’Etat de Victoria avant d’envisager un déploiement national. De nombreuses initiatives visent aussi à créer des outils qui ont vocation à avoir un impact direct sur les citoyens, tandis que le programme EIG crée majoritairement des outils qui améliorent l’efficacité de l’administration et du service public, ce qui participera in fine à l’amélioration de l’expérience des citoyens utilisateurs de ces services.


Ce tour d’horizon de différentes initiatives de mobilisation de talents dans le numérique d’intérêt général montre donc que le programme EIG se place dans un mouvement qui touche toutes les administrations. En optant pour un format court – 10 mois – et une intégration à temps plein dans les administrations, le programme EIG fait le pari de faire se rencontrer des agents publics volontaires pour faire évoluer leurs pratiques avec des citoyens motivés par des défis d’intérêt général.

Si vous souhaitez entrer en contact avec nous au sujet de cette enquête, vous pouvez envoyer un e-mail à l’adresse entrepreneur-interet-general@data.gouv.fr. Nous serons ravis d’en discuter avec vous.